Depuis tout jeune, j'ai toujours aimé les immeubles de Beyoglu à Istanbul. Ils ont une magie, une âme qui reflète un certain art de vivre venu du passé. On y ressent les mystères de l'orient au travers des dédales labyrinthiques des coins de rues, des passages et des traboules... on y retrouve également le chaos qui caractérise si bien la ville. Les immeubles qui furent jadis habités par des populations aisées souvent issues de minorités tels que juifs, grecs, arméniens, levantins cédèrent leurs place à des squatteurs venus quémander fortune depuis les campagnes exsangues.
Dans mon enfance, ce quartier était un bouge! Laissé à l’abandon, il était devenu le bastion des maquereaux, des prostitué(e)s, et de malfrats en tous genres qui tenaient à l’écart les honnêtes citoyens. Ce qui ne les empêchait nullement d’y venir s’encanailler à l’abri d’improbables regards inquisiteurs. Dans les années 80, la ville entreprit de «nettoyer le secteur» et ces quartiers furent sécurisés petit à petit. Il faut dire aussi qu’Istanbul n’a jamais été une ville où il y a de l’insécurité comparée à d’autres grandes métropoles.
Aujourd’hui, on redécouvre un quartier très agréable avec ses immeubles de caractère, ses bâtis d’excellentes factures et surtout, le bonheur que représente le luxe de pouvoir se passer d’une voiture dans une ville aussi gigantesque, à cheval sur deux continents grâce à son emplacement exceptionnel et son accès privilégié aux transports en commun.
Beyoglu fait peau neuve, on retape, on repeint, on colmate, on restaure, on réhabilite. Il se pare à nouveau de ses plus beaux atours, la nouvelle génération d’artistes, de dirigeants et managers branchés investissent les lieux.
Quant à moi, lorsque j’ai eu la possibilité d’acheter, je n’ai pas eu à réfléchir longtemps mais je dois dire que c’était dans une incompréhension quasi-générale. On me demandait ce que j’allais en faire, on me disait que c’était de la folie! Lorsque je leur répondais que j’allais l’habiter et le louer en location-vacances lorsque je n’étais pas là, on me regardait comme un extra-terrestre car personne ne faisait cela à l’époque.
Les choses ont bien changé depuis lors et il est étonnant de voir à quel point l’offre s’est multipliée en commençant par ce quartier. J’aime à croire que mon exemple a servi de locomotive et je me réjouis d’avoir été suivi aussi massivement. Car cette activité a probablement été un des principaux leviers permettant la revalorisation de ce patrimoine et c’est tout Istanbul dans son ensemble qui en a bénéficié.